- Rudy Goubet Bodart
Dans son dernier ouvrage « Le phénomène trans — Le regard d'un philosophe » Dany-Robert Dufour porte la contradiction aux gender studies en s'appuyant sur la dichotomie classique entre nature et culture. À la nature le sexe, à la culture le genre. Il existe alors, selon le philosophe, deux sexes et des milliers de genres. En cela, il est tout à fait en accord avec Judith Pamela Butler et Paul Beatriz Preciado qu'il ne critique, en réalité, que très superficiellement à l'aide de considérations qu'il s'imagine psychanalytiques.
Sa pensée, son regard se réduisent en une proposition qu'il nomme « solution juridique » et qui consiste en l'inscription dans l'état civil de chaque individu à côté de son sexe (H/F), son genre qu'il pourrait alors choisir et/ou changer selon une liste préétablie par les associations LGBT. Cela est exactement ce que les transactivistes veulent obtenir, et ont obtenu, car cette étape administrative (changement de genre à l'état civil) est nécessaire pour faire de la transition (chirurgicale et hormonale) un droit. Les gens pourront enfin être eux-mêmes grâce à la science sponsorisée par l'État.
Le philosophe et professeur d'université qui se dit freudien ne mentionne pas une seule fois dans son ouvrage le rôle central du phallus dans la sexuation et dans la sexualité humaine. Il a beau dire que le transgenrisme ouvre au transhumanisme et que personne ne peut réellement changer de sexe, il ne donne pas l'impression de saisir en quoi sa proposition : « Vous pouvez changer de genre, mais vous ne pouvez pas changer de sexe » est dans la droite ligne de ceux qu'il imagine qui vont l'insulter de transphobie.
Il fait appel à la notion de discours chez Lacan et avance que le discours du maître est le discours de la production et celui du capitaliste celui de la consommation. Il ignore que le discours du maître est le fonctionnement propre au langage et que ce qu'il produit est du manque-à-être. Manque-à-être aussi appelé objet (a) que, toujours selon le philosophe, un analysant mettrait entre cinq et dix ans à trouver dans son analyse (...) Ainsi, il ne peut pas comprendre que l'être de l'homme n'a rien de naturel et que sa nature est sa dénaturation même.
Pour l'Homme la vie et le verbe se confondent. La vie est le verbe, le verbe est la vie. Il n'y a pas de réalité pré-discursive. La dichotomie nature/culture ne tient pas. Dire « nature » c'est toujours déjà s'en exclure. Si Dany-Robert Dufour avait pris au sérieux la psychanalyse, il dirait :
« Le langage est une vie, est notre vie et la leur. Non que le langage s'en empare et se la réserve : qu'aurait-il à dire s'il n'y avait que des choses dites ? C'est l'erreur des philosophies sémantiques de fermer le langage comme s'il ne parlait que de soi : il ne vit que du silence ; tout ce que nous jetons aux autres a germé dans ce grand pays muet qui ne nous quitte pas. Mais, parce qu'en ayant éprouvé en lui-même le besoin de parler, la naissance de la parole comme une bulle au fond de son expérience muette, le philosophe sait mieux que personne que le vécu est du vécu-parlé, que, né à cette profondeur, le langage n'est pas un masque sur l'Être, mais, si l'on sait le ressaisir avec toutes ses racines et toute sa frondaison, le plus valable témoin de l'Être, qu'il n'interrompt pas une immédiation sans lui parfaite, que la vision même, la pensée même sont, a-t-on dit, « structurées comme un langage », sont articulation avant la lettre, apparition de quelque chose là où il n'y avait rien ou autre chose. » Maurice Merleau-Ponty — Le visible et l'invisible (1964)
Le philosophe-professeur confond alors, sans surprise, le Maître avec le signifiant-maître mais aussi le discours capitaliste avec le marché. Si Jacques Lacan affirme que le capitalisme est un discours cela n'est aucunement pour en affaiblir ou réduire la portée (rien de plus astucieux n'a jamais été inventé) mais pour souligner qu'il s'agit d'un renversement de la structure langagière elle-même, ce qui implique donc que la matérialité (économique et politique) du capitalisme est un effet du discours, et non l'inverse. Le discours capitaliste n'est pas tant celui de la consommation que celui de la consumation et de l'exploitation du sujet par lui-même, s'imaginant maître du langage, et produisant ainsi ses propres identités, celles-là mêmes que Dany-Robert Dufour soutient sans le savoir.
- Rudy Goubet Bodart
Quel fabuleux match entre deux grands pays de football et de psychanalyse :
Hier, la France a débuté la finale en ayant la meilleure équipe du monde contre le meilleur joueur au monde et l'a achevée en ayant le meilleur joueur au monde contre la meilleure équipe du monde.
Bravo à Kiki — qui est le plus forts de tous les Kikis — et à ses partenaires qui même en cas de victoire, et c'est tragique, n'auraient jamais pu nous épargner les gesticulations pleines de lui-même du minus habens qui nous sert de résident de la République.
Bravo à l'Albiceleste et surtout à son capitaine qui peut enfin soulever le phallus doré, seul trophée qui lui manquait : nous sommes tous heureux d'apprendre qu'il existe sur terre au moins un homme comblé ! Et son nom est Messi. Ça ne s'invente pas.
- Rudy Goubet Bodart
Une formation de l'inconscient ne relève qu'assez rarement du discret ou du subtil ... cela vaudrait davantage pour son interprétation.
Le retour du refoulé — qui n'est autre que le refoulement lui-même — qu'il prenne la forme d'un rêve, d'un lapsus, d'un symptôme, d'un oubli, d'une faute d'orthographe ... est plutôt comme l'éléphant dans la pièce ou le nez au milieu du visage.
C'est si évident, si visible — et du visible au risible il n'y a qu'une lettre — que ça en crève les yeux. Littéralement.
« Le bien connu en général, pour la raison qu'il est bien connu, n'est pas connu. C'est la façon la plus commune de se tromper et de tromper les autres, à propos du connaître, que de présupposer quelque chose comme bien connu » — Georg Wilhelm Friedrich Hegel
Nous savons tous depuis l'enfance que la meilleure façon de (se) cacher quelque chose est de l'exposer au vu et au su de tous.
Le quidam s'autorise alors à être juge esthétique et interprète herméneutique des logos et symboles contemporains choisis pour nous guider vers le Bien.
Cela rappelle étrangement l'histoire de la flamme olympique qui, aujourd'hui encore, fait le tour du monde tous les quatre ans pour rappeler et faire oublier dans un même mouvement son origine.