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  • Rudy Goubet Bodart

Ne peut-on pas évoquer l’idée que Lacan accomplit avec « LA femme » ce que Freud a préalablement réalisé avec le père ? En se référant à « Moise et le Monothéisme », on lit que Freud y dépouille le Père du Judaïsme de sa judéité même, ce faisant, il sape toute possibilité à l’antisémitisme de s’attaquer aux juifs comme il s’attaquerait à une identité juive pure, positive ... en lui subtilisant le terrain même d’où pourrait se développer une attaque (l’identité juive). Freud écrit ce livre à la fin de sa vie, au moment où il doit léguer son héritage théorique, période qui correspond avec la montée du fascisme en Europe. Son message pourrait aujourd’hui être lu ainsi : « La psychanalyse n’est pas une science juive et d’ailleurs le Père du Judaïsme n’était pas juif lui-même : il n’y a pas d’identité juive. » - Le message de Freud a pour effet de renvoyer l’antisémitisme dos-à-dos avec son vide constitutif plutôt que de nourrir son symptôme en se défendant, par exemple, comme juif. Mais revenons à Lacan et son fameux « LA femme n’existe pas » : n’effectue-t-il pas là un geste similaire à celui de Freud ? Avec cette formule, Lacan ne désubstantialise-t-il pas LA femme de sa « mythique essence », de sa « substance secrète originaire » (qui n’est peut-rien d’autre qu’un fantasme masculin) ? Ainsi, ne LA rapproche-t-il pas logiquement de ce qu’il dénomme « vérité » dans son enseignement ? Vérité qui, ne l’oublions pas, est une « place réelle » dans les quatre discours (+1) de Lacan. Place qui a plusieurs particularités, dont celle de ne jamais être atteinte par la production ... Si le saut nous est permis alors nous dirions qu’aucun discours ne peut s’emparer de LA femme, puisque toute production est impuissante quant à son accès à « sa » vérité. Peut-être est-ce même le contraire qui est vrai : c’est LA femme, dans sa proximité structurale avec la vérité, qui se joue de tout discours, puisqu’elle en est l’origine inatteignable. Ne pourrait-on pas paraphraser Hegel et dire à sa suite : « La femme, ironie de tout discours. » ? Ici, « LA femme n’existe pas » révèle l’impossibilité même de tout discours de faire de LA femme sa muse puisque du discours c’est ELLE qui ironiquement s’en amuse. LA femme chez Lacan aurait alors aussi de curieux accents nietzschéens : « La vérité est une femme qui a raison de ne pas dévoiler ses raisons. » Le contrepoint parfait qui illustre notre propos n’est-il pas ce que l’on nomme « féminisme » ? Le féminisme dans sa volonté d’unir, de solidariser, consolider les femmes, voire de totaliser LA femme, échoue dans ses subdivisions mêmes : féminisme blanc, afro, traditionnel, moderne, marxiste, aristocratique ... Le féminisme dans sa tentative de totaliser LA femme est pris dans le versant symbolique de la vérité, celle qui toujours s’invente (d’où la multiplication infructueuse et impuissante des féminismes), en oubliant précisément que la vérité dans son versant réel est ce qui depuis toujours s’oublie. « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend »




  • Rudy Goubet Bodart

Deux personnes, A et B, et un paquet de cartes situé à proximité de A, mais hors de portée de B, qui en vient donc à dire à A :

" Auriez-vous l’amabilité, mon cher A, de me passer la carte du dessus ? "

Très obligeamment, A prend la carte du dessus et la tend à B, qui rétorque en désignant le paquet :

"Non, je voulais celle du dessus, là ..."

En fronçant les sourcils, A prend la nouvelle carte du dessus, la tend à B, qui répond exactement de la même façon.

A sourit alors - il vient de comprendre qu'il s'agissait d'un piège - et tend victorieusement le paquet de cartes à B, qui lui dit alors :

" Mais je ne vous ai pas demandé le paquet, cher ami.Seulement la carte-du-dessus. "

Ce à quoi A, au bord de l'irritation, réplique :

" Mais prenez-la donc, elle est là, sur le dessus ! "

Et B, au bord du désespoir :

" Décidément, vous ne comprenez rien à rien ! Il m'importe peu, en vérité, d'avoir cette carte là. Mais j'aimerais par dessus tout que vous me la donniez, qu'enfin je la reçoive de vous. "

L'Amour, disait Lacan, c'est vouloir donner ce que l'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.

  • Rudy Goubet Bodart

Le nouveau concept de la guerre zéro mort, tout droit sorti de l'idéologie contemporaine, semble ne pas affecter d'un iota, mais au contraire confirme, la névrose de guerre telle qu'élaborée par Sigmund Freud , il y a un siècle de cela.

Aujourd'hui la guerre aussi est digitalisée et se réduit de plus en plus à être une opération abstraite et machinale : un largage massif de bombes et de missiles derrière un écran, à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations. Un peu comme si les soldats jouaient à un jeu vidéo.

Cependant ces soldats, qui n'ont donc jamais affronté d'ennemis sur le terrain et ne se sont jamais engagés dans une lutte à mort contre eux, présentent peut-être une culpabilité moindre mais au prix d'une terrible angoisse.

Ces soldats présentent des fantasmes de confrontation corps à corps avec l'ennemi, le regardant droit dans les yeux avant de le trucider à la baïonnette.

Tout se passe alors comme si le traumatisme n'était pas dans la conscience d'avoir tué d'autres êtres humains (puisque la guerre est déshumanisée, objectivée et transformée en un processus purement technique) mais au contraire dans cette objectivation-déshumanisation même qui nécessite ensuite d'être subjectivisée et humanisée par des fantasmes de rencontre réelle avec l'ennemi.

La guerre conduite derrière un écran ne protège donc pas du meurtre en face-à-face avec l'autre ; mais au contraire c'est le fantasme d'une rencontre sanguinolente avec l'ennemi qui permet d'échapper au Réel d'une guerre anonymée, dépersonnalisée, technologisée.

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