COVID ET LES ZINHUMAINS
Il y a dans le court téléfilm « Coincoin et les Zinhumains » de Bruno Dumont un ensemble d'éléments analogues à la situation actuelle qui apparaît presque comme ayant pu la préfigurer.
Une étrange matière noirâtre et gluante qui tombe du ciel et rend malades les hommes avec qui elle entre en contact en les faisant se dédoubler (en accouchant d'eux-mêmes).
Quelle serait, en réalité, la pire — mais peut-être aussi bien la meilleure — des choses qui pourrait nous arriver si ce n'est de rencontrer notre double, un peu comme nous rencontrions notre prochain ? Un masque serait-il alors nécessaire pour empêcher la honte de nous submerger ?
Notre prochain en tant que ce qui est à la fois le plus proche de nous, cette chose de laquelle nous n'arrivons pas à nous départir, mais aussi cette chose si éloignée de nous, qui nous apparaît comme étant la plus étrangère à nous-même.
Cette substance, ce bout de réel venu d'on ne sait où, semble alors être un excellent révélateur de la société et de son (in)organisation.
Les journalistes, les religieux, les politiciens, les scientifiques, les terroristes, les forces de l'ordre, les migrants ... tous y passent dans ce téléfilm et tous semblent jouer très maladroitement le rôle qui est le leur, ou pour le moins le jouent d'une façon si grossière, si absurde, voire burlesque et comique que le spectateur ne peut pas ne pas y voir une critique de la société de la part du réalisateur, mais plus encore, une fine dénonciation de la détérioration de la notion même d'autorité en ce qu'elle relève des ressorts du Symbolique, comme le montrent certains dialogues quasi beckettiens qui ne peuvent pas ne pas nous faire songer à la situation présente :
— Qu'est-ce qu'on fait mon commandant ?
— Moi j'vous l'dis Carpentier : « Ni une ni deux ! »
— Oui, et alors ?
— Bah c'est tout.
Tout semble se passer comme dans un carnaval — qui est en soi déjà une négation des règles normales et usuelles de la société — mais un carnaval quotidien où chacun jouerait très mal son propre personnage social et où seule une négation supplémentaire pourrait possiblement mettre fin à cette fin du monde qui s'éternise.
Le téléfilm se termine d'ailleurs par un immense « tournage en rond » carnavalesque où se réunit tout ce beau monde et où le Symbolique semble avoir été anéanti puisque les vivants y côtoient les morts.
Le « tournage en rond » est d'ailleurs une image possible de la révolution, mais ce que Bruno Dumont n'a pas réellement intégré dans sa réalisation est un retour possible d'un ordre féroce, d'un ordre forcé, d'un ordre dicté, bien que cette idée semble lui avoir traversé l'esprit.
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