FUROR SANANDI
Ce qu'il y a a priori de plus antagoniste à l'éthique psychanalytique est la volonté de soulager ou supprimer la souffrance de l'Autre. Le psychanalyste sait bien la banalité de la souffrance humaine, qu'il nomme symptôme, qui n'a jamais rien d'accidentel mais est structurelle. Le psychanalyste sait aussi l'exceptionnel de chaque symptôme qui spécifie tout sujet dans sa jouissance. Le sujet tient à son symptôme comme à la prunelle de ses yeux puisqu'il s'y joue une lutte fondamentale pour la reconnaissance et l'amour eux-mêmes soutenus par d'inavouables fantasmes. La véritable psychanalyse va davantage vers l'identification à l'être du symptôme, aux lettres du symptôme, qu'il aura alors fallu apprendre à lire. Vouloir supprimer la souffrance de l'Autre revient toujours à n'en vouloir rien savoir, pire encore, à neutraliser l'Autre dans ce qu'il a de plus étrange, de plus inquiétant, de plus réel ... et qui m'hystérise, m'angoisse quant au(x) sens de mon existence : 《 Che Vuoi 》
Vouloir prendre la souffrance de l'Autre est une vaine tentative de le comprendre, en un sens quasi mathématique. Soit de l'assimiler, de le rendre à même de me correspondre, de le phagociter, de me le rendre acceptable, d'atténuer au maximum sa dangerosité, faire en sorte qu'il devienne inoffensif, de le maîtriser, de le dominer, de le domestiquer, d'éradiquer sa radicale altérité. Le psychanalyste, dans sa praxis quotidienne, a l'occasion de se rendre compte que c'est à ne pas comprendre l'Autre que le message passe. Sigmund Freud, dans un texte au sujet de l'amour, a même qualifié de fanatisme cette furor sanandi dont la société pourrait très bien se passer. À sa suite, Jacques Lacan a enfoncé le clou de plusieurs autres coups de marteau : la psychanalyse n'est pas une relation d'aide, le psychisme ne saurait être thérapié, la guérison vient de surcroît. C'est sans équivoque et sans appel.
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