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L'AMOUR ENTRE PHILOSOPHIE & PSYCHANALYSE


Envoi


Vous avez donc préféré venir ici plutôt que de réviser. Vous avez failli à vos devoirs. Je vous en remercie. Socrate n'a-t-il pas été condamné à boire la cigüe, entre autres, pour corruption de la jeunesse? On voit par là qu'avoir des idées peut être très dangereux. Enfin, nous ne sommes pas là pour parler de la mort, mais bel et bien de l'amour - bien qu'il existe de nombreux liens entre les deux.


Alors, si vous êtes là c'est pour entendre parler d'amour et peut être même pour que l'on vous dise des mots d'amour. Car l'amour tient aux mots, comme le disait le poète, ce sont les mots qui font l'amour. Et je sais, par ma pratique de la psychanalyse et de la vie, qu'il existe une demande d'amour insatiable chez l'être humain.


Mais parler d'amour est un exercice périlleux car le sujet est si passionnant et universel que l'on peut donc vite basculer dans la banalité et l'ennui. Parler d'amour en adoptant une posture d'expert est une contradiction en soi. Puisque l'amour indique la faille, l'incomplétude dans toute

connaissance et de tout savoir, et est ce qui me dérange par excellence. J'y reviendrai. Le mieux serait de pouvoir parler d'amour non pas en sachant mais en aimant. Mais, est-on capable de dire quoi que ce soit d'autre que 'Je t’ aime’ quand on aime?

J’aime comme l’Amour aime. Je ne connais aucune autre raison pour t’aimer que de t’aimer. Que veux-tu que je te dise de plus que je t’aime si ce que je veux te dire c’est que je t’aime.

Fernando Pessoa


Il semblerait que la poésie soit la forme la plus adéquate pour parler d'amour, pour faire parler l’amour. Pourtant ici, nous avons décidé d'en parler avec la philosophie et avec la psychanalyse. Ce qui à plus d'un titre peut paraître décevant, car nous devons y perdre la beauté poétique.


Bien entendu, je laisse aussi de côté l'approche dite scientifique de l'amour, ou plutôt biologisante, voire naturaliste. Bien que cette approche soit à la mode, elle me déprime au plus haut point. J'ai bien entendu le plus grand respect et une profonde admiration pour la science et les

scientifiques, mais je reste cependant dubitatif face aux explications d'apparence scientifique qui me disent que si je tombe amoureux de quelqu'un cela est l'effet du circuit de la dopamine ou de la sérotonine

dans mon cerveau ou parce que mes récepteurs sensoriels sont sensibles à la diffusion d'hormones ou de phéromones de la personne qui me plaît. Et plus encore lorsque j'apprends que le ‘french kiss’ est une excellente façon de renouveler ma salive et qu'avoir des rapports sexuels à intervalle régulier renforce le muscle cardiaque et assouplit mes articulations. C'est là que nous pouvons constater que Michel Houellebecq a tout de même aujourd'hui une source infinie d'inspiration pour écrire de nouveaux romans.


De quoi parle-t-on exactement lorsque nous parlons d'amour? Le sujet paraît très vaste. La langue grecque a au moins dix mots pour désigner ce que la langue française appelle “amour”. Ce n'est pas pour rien que Marguerite Yourcenar a dit que tout ce qu'il y a de plus beau dans l'âme humaine a été écrit en grec. Habituellement, nous ne retenons que quatre des dix dénominations grecques, à savoir : la plus connue peut être Éros, amour-désir, ensuite Philia, amour-amitié, puis vient ensuite Storgê, amour-tendresse, et finalement Agapê, amour-gratuit.


En psychanalyse de quel amour parle-t-on? Freud est sans ambiguïté là-dessus et dit que lorsqu'il parle d'amour il s'agit d'Éros, et précise même qu'il s'agit de l'Éros tel que Platon en parle. L'Éros c'est l'amour-désir, l'amour sensuel. Mais que nous dit Socrate au sujet d'Éros? Socrate, rappelons-le, qui aurait pu être, d'après Lacan, le premier psychanalyste. Il a échoué de peu.


Dans le Banquet, lorsque vint le tour de Socrate de s'exprimer, il dit qu'il ne sait rien, sauf au sujet d'Éros, et tout ce qu'il sait à ce sujet lui a été appris par une femme lorsqu'il était lui-même très jeune, une certaine Diotime de Mantinée. On ne sait pas très bien qui est cette Diotime, on

ne sait même pas si elle a vraiment existé. Il paraît qu'elle aurait éloigné la peste d'Athènes. Avec l'amour, on peut beaucoup apparemment. Mais l'important ne réside pas dans le fait de savoir si elle a réellement existé ou pas, mais plutôt dans le fait que Socrate évoque une femme en plein milieu du Banquet, exclusivement masculin, ce qui déjà fait signe vers l'idée d'une certaine altérité. Diotime lui aurait dit que l'amour n'est pas un Dieu mais bel et bien un Démon dont la fonction est de lier les mortels aux immortels. Freud, des siècles plus tard, parlera de pulsion de vie et de pulsion de mort. Le Démon est une entité qui, bien loin d'apaiser, au contraire perturbe, dérange. Je parlais plus tôt de l'amour comme ce qui dérange. Cela se retrouve déjà chez Socrate.


Éros, l'amour donc, a été conçu le jour de la naissance d’Aphrodite, déesse de la sexualité. Voilà de quoi intéresser un psychanalyste. Mais conçu par qui? Par Pénia - la Pauvreté - et Poros - l’Expédient. Fils de la Pauvreté, l'amour est « toujours démuni, et, loin d’être beau et délicat, comme on le pense généralement, il est maigre, malpropre, sans chaussures, sans domicile, sans autre lit que la terre, sans couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues ». Comme fils de l’Expédient, il « est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est mâle, hardi, persévérant, chasseur habile, toujours machinant quelque artifice, désireux de savoir et apprenant avec facilité, philosophant sans cesse, enchanteur, magicien, sophiste et expert.»


Je pense avoir suffisamment planté le décor avec ce détour philosophique et mythologique en évoquant donc que l'amour est un phénomène qui dérange, un Démon, et qui est le résultat d'une alliance entre la pauvreté, la mendicité presque, et de l'autre la filouterie , voire la ruse, en tous cas quelque chose qui le pousse à toujours vouloir s'en sortir… Mais ce sortir de quoi? Je vais y répondre un peu plus tard.


Tomber amoureux


Tout cela m'amène donc à vous parler du “tomber” qui vient borner l'expérience amoureuse. En effet, l'amour commence toujours par quelque chose qui chute, qui tombe, la langue française le dit d'ailleurs très précisément : “tomber amoureux”, et l'amour se finit aussi par une chute, à la fin on “laisse tomber” ou on est “laissé tomber”.


J'aimerais donc vous citer un romancier, Neil Gaiman, pour ensuite

développer mon propos :

C’est horrible n’est-ce pas? Ça te rend si vulnérable. Ça te déchire la poitrine, le coeur et ça signifie qu’une personne peut s’y loger et y mettre le désordre. Tu construis toutes ces défenses, toute cette armure, afin que personne ne puisse te blesser, et puis une personne ce qu’il y a de plus stupide fait son apparition dans ta vie toute aussi stupide ... et tu lui cèdes un bout de toi. Qu’elle n’a pas demandé. Elle a fait quelque chose d’idiot un jour, comme te sourire ou t’embrasser, et depuis ta vie ne t’appartient plus. L’amour ça te prend en otage. Ça te rentre dedans. Ça te dévore et te laisse là à pleurer dans le noir, et une phrase aussi bête que “peut-être que nous devrions rester amis” se transforme en un éclat de verre qui trace sa route à travers ton coeur. Ça fait mal. Pas seulement dans ton imagination. Pas seulement dans ton esprit. C’est une blessure d’âme, une réelle douleur qui te pulvérise de l’intérieur. Je déteste l’amour.

Cette citation m'en rappelle une autre, d'un certain Sigmund Freud :


Jamais nous ne sommes davantage privés de protection contre la souffrance que lorsque nous aimons, jamais nous ne sommes davantage dans le malheur et la détresse que lorsque nous avons perdu l'objet aimé ou son amour.

Après un coup de foudre, soit en tombant amoureux, le sujet prend conscience de façon particulièrement violente de son manque constitutif, contre lequel il cherchait à se prémunir tant bien que mal. Ce qui tombe lorsque le sujet tombe amoureux c'est précisément cette protection imaginaire qui lui faisait miroiter son auto suffisance. Autrement dit, c'est une partie du narcissisme même qui cède lorsque le sujet tombe amoureux.


Pour le dire encore d'une autre façon, lorsque le sujet tombe amoureux il subit un appauvrissement subjectif, comme si une chose précieuse lui avait été subtilisée, en psychanalyse on parle d'objet perdu, un bout lui-même, qu'il s'imaginera retrouver chez l'autre, dans la personne même de l'autre, de l’aimé, sous la forme particulière d'un objet précieux, comme une brillance chez la personne aimée, ce petit truc en plus, ce je-ne-sais-quoi, que Socrate appelle l'agalma. C'est l'objet qui cause mon désir.


Nous n'aimons jamais vraiment quelqu'un. Nous aimons uniquement l'idée que nous nous faisons de ce quelqu'un. Ce que nous aimons, c'est un concept forgé par nous — et en fin de compte, c'est nous-mêmes.

Fernando Pessoa


Voilà aussi, entre autres, pourquoi les ruptures, les séparations amoureuses, lorsque le sujet est laissé tomber, sont si douloureuses. Parce que le sujet ne veut pas renoncer à cette partie aimée, idéalisée de lui-même qui a été transférée chez l'autre, la personne aimée. La personne aimée doit faire l'objet d'un désinvestissement narcissique, soit de faire un deuil.


Vous allez peut être vous imaginer que les psychanalystes portent un regard alors plutôt sombre sur les choses de l'amour. Mais ce n'est pas vraiment le cas. Mais peut être que comme Freud le disait dans une lettre à sa fille, Mathilde, “aimer doit s'apprendre, comme tout le reste”. Et nous savons que nous n’apprenons toujours qu’à nos frais. Au sujet de l'apprentissage des choses de l'amour Freud semble partager le même point de vue que Rainer Maria Rilke, qui écrivait :


L'amour est difficile.


Que deux êtres humains s'aiment, c'est sans doute la chose la plus difficile qui nous incombe, c'est une limite, c'est le critère et l'épreuve ultimes, la tâche en vue de laquelle toutes les autres ne sont que préparation. C'est pourquoi les jeunes, débutants en toutes choses, ne savent pas encore pratiquer l'amour : il faut qu'ils l'apprennent. De tout leur être, de toutes leurs forces concentrées dans leur coeur solitaire, inquiet, dont les battements résonnent, il faut qu'ils apprennent à aimer. Mais le temps de l'apprentissage est toujours une longue période, une durée à part, c'est ainsi qu'aimer est, pour longtemps et loin dans la vie, solitude, isolement accru et approfondi pour celui qui aime.

Demande d'amour


Vous pourriez me demander, après ce que je viens de dire : 《 Pourquoi alors se sent-on si bien lorsque nous aimons? Si l'amour n'est que violence et solitude, pourquoi lorsque nous nous savons aimé nous sentons nous à ce point soulagés ? 》À cela je dirais qu'en effet très peu de personnes sont soulagées lorsqu'elles aiment, au contraire, elles se sentent fragilisées, prises au dépourvu, d'ailleurs en français on dit “avoir un faible pour quelqu'un”, mais, en revanche, une personne qui se sait aimée, se sentira certainement soulagée et allégée. Ici vous pouvez me rétorquer que cela dépend de qui nous sommes aimés, et vous auriez raison. Le désir de l'autre recèle toujours quelque angoisse. Et peut-être que le baiser n'est rien autre qu'une façon de boucher le désir de l'Autre. “Embrasse moi et tais-toi!” Freud disait qu'aimer c'est avant tout vouloir être aimé. Il y a un soulagement lorsque nous nous savons aimé, et ce soulagement n'est peut être rien d'autre que celui de cette puissante demande d'amour avec laquelle tout être humain vient au monde, du fait même qu’il dépende de quelques autres, ses parents, pour se maintenir en vie.


Il y a bien quelque chose dans le commerce entre l'enfant et ses parents qui excède la simple satisfaction d'un besoin. Lorsqu'une mère allaite son enfant, il y a toujours quelque chose en plus que le simple fait de le nourrir, de combler sa faim. Ce qui se passe entre la mère et l'enfant, ce petit quelque chose en plus, qui se passe dans les regards et les sourires échangés, les caresses et le peau à peau, les mots doux prononcés, la parole donnée … vaut peut être le nom d'amour.


Ce que Freud nomme “la détresse primordiale” de l'être humain, ce qui le rend absolument dépendant de l'Autre, ne vaut pas tant sur le plan biologique que sur celui de l'amour et de sa demande.


J'en veux pour preuve cette étrange histoire qui se déroula au 13e siècle. Le roi Frédéric II (qui parlait neuf langues : le latin, le grec, le sicilien, l'arabe, le normand, l'allemand, l'hébreu, le yiddish et le slave) voulut faire une expérience pour savoir quelle était la langue "naturelle" de l'être humain. Il installa six bébés dans une pouponnière et ordonna à leurs nourrices de les alimenter, les endormir, les baigner, mais surtout, sans jamais leur parler. Frédéric II espérait ainsi découvrir quelle serait la langue que ces bébés choisiraient naturellement. Il pensait que ce serait le grec ou le latin, seules langues originelles pures à ses yeux. Cependant, l'expérience ne donna pas le résultat escompté. Non seulement aucun bébé ne se mit à parler une quelconque langue mais tous les six dépérirent et finirent par mourir.


En-deçà de la satisfaction du besoin existe une demande d'amour, soutenue par le désir, qui ne peut jamais se satisfaire comme un besoin se satisfait. L'enfer ce n'est pas les autres, comme disait Sartre, mais le fait qu'il faut de l'Autre, pour étancher quelque peu cette soif infinie d'amour. Il y a aussi cette histoire d'une petite fille qui demande un bonbon à sa mère. Sa mère le lui donne. Et puis cinq minutes plus tard, la petite fille revient vers sa mère et lui demande de nouveau un bonbon. Sa mère, sans rien dire, le lui donne. Cinq minutes s'écoulent, et la petite fille revient de nouveau avec la même demande. Et ainsi de suite. En réalité, cette petite fille n'a pas réellement envie de bonbon, n'est pas simplement gourmande, mais avide d'amour. D'ailleurs, Winnicott, un psychanalyste britannique qui a travaillé essentiellement avec les enfants, a noté que les phénomènes de gloutonnerie étaient bien souvent en lien avec une quête effrénée pour obtenir de l'amour.


Si cette petite fille demande cela à sa mère, et ce avec insistance, ce n'est pas simplement pour le bon goût du bonbon mais surtout pour le plaisir que cela lui procure quand sa mère s'occupe d'elle, lui donne quelque chose, lui accorde de l'attention, lui montre qu'elle l'aime. Au lieu de donner le bonbon, on peut très bien imaginer une conversation entre la mère et sa fille au sujet même du bonbon. Et l'enfant en oublie même qu'il voulait ce bonbon et partage un véritable bon moment avec sa mère, et qui l'a remplie symboliquement, c'est-à-dire de mots, donc bien davantage qu'une sucrerie.


L'amour et la haine


Nous voyons ici qu'il y a dans l’amour une part importante de reconnaissance, terme cher à Hegel. Pour faire un point d'accroche avec la philosophie, nous pourrions citer Hobbes : “L'homme est un loup pour l'homme” mais surtout Spinoza, dont la formule inclut et dépasse celle de Hobbes : “L'homme est un Dieu pour l'homme”


En effet, l'homme est un loup pour l'homme, c'est-à-dire qu'entre eux les hommes se méfient, se défendent, comme s'ils avaient à faire à un animal sauvage, dangereux et qui serait à l'affût de la moindres faiblesse pour les attaquer. Mais devant tout autre homme que lui-même, l'homme se comporte aussi comme face à un Dieu, à un être supérieur donc, duquel il attend une parole de reconnaissance. Et c'est certainement lorsqu'intervient ce défaut de reconnaissance que la haine, qui n'est jamais bien loin de l'amour, fait son apparition. Alors que l'amour vise au-delà ou peut-être même en deçà de l'être aimé, la haine, elle, s'adresse toujours à l'être de l'autre qu'elle veut détruire. D'ailleurs, souvent on entend dire : “Je ne sais pas pourquoi cette personne, je ne peux pas la voir, je ne peux pas l'encadrer, même en peinture, c'est physique.”


Alors que l'amour, et surtout chez les femmes je dois dire, nous fait nous poser cette question à l'autre : " Mais pourquoi m'aimes-tu ? " Nous pourrions remplacer ce "Pourquoi m'aimes-tu ?" par "Qu'est-ce qu'il y a en moi que tu aimes et qui m'est inconnaissable ?" ou encore "Comment fais-tu pour m'aimer car si j'étais à ta place je ne pourrais jamais aimer un être comme moi ?" En aucune façon nous pouvons sentir que nous sommes aimés parce que nous le méritons, mais toujours en dépit du fait que nous ne le méritons pas, et de toutes nos faiblesses, nos défauts.


Le danger pour l'amour consiste à m’identifier à ce que que l'autre perçoit

comme "aimable" en moi. Comme le disait Deleuze : “Si vous êtes pris dans le rêve de l'autre, vous êtes foutus.” A la question "Qu'est-ce que tu aimes en moi ?", la réponse la plus précise serait peut-être : "J'aime en toi ce je-ne-sais-quoi qui est à la fois plus et moins que toi.”


C'est pourquoi l'amour est aussi un sentiment comique, puisque le sujet s'imagine que ce que lui manque se trouve chez l'autre, lorsque nous aimons quelqu'un nous ne l'aimons jamais pour ce qu'il ou elle est mais parce que nous le faisons correspondre avec les coordonnées de nos propres fantasmes, nous nous trompons donc quand nous aimons, jusqu'au moment où nous nous apercevons que l'Autre ne colle pas aussi bien que ça à notre fantasme, et qu'il est tout aussi manquant, défaillant que nous. Mais même si dans la plupart des cas c'est là que commence la haine, et le côté tragique de l'affaire, il arrive tout de même qu'apparaisse l'amour sous sa forme, Agapê, l'amour pour l'amour, puisque le sujet peut finalement aimer l'autre dans sa radicale altérité, au-delà de toutes ses projections spéculaires, imaginaires. Aimer quelqu'un pour telle ou telle raison ou qualité c'est toujours désavouer qu'en réalité on ne l'aime pas vraiment, ou tout au mieux, qu'on l'aime bien. L'amour ne serait donc pas ce sentiment que j'éprouve lorsque j'établis une liste de toutes les qualités d'une personne, il ne se situe donc pas du côté de l'idéalisation mais plutôt là où l'idéalisation chute, où la banalité et les défauts de l'autre émergent sans que cela n'altère sa beauté. L'amour ne serait donc pas soit la beauté éternelle, soit la banalité quotidienne, mais la beauté éternelle au coeur de la banalité quotidienne.


Les sites de rencontres


Cela m'amène à conclure mon intervention au sujet des sites de rencontres. Comme j'ai pu le dire plus tôt tomber amoureux, la rencontre amoureuse en tant qu'événement a quelque chose de véritablement traumatisant pour celui qui tombe amoureux. Freud définit le traumatisme comme ce qui excède les capacités défensive et intégrative du Moi. Cela veut dire que lorsque le sujet n'a pas le matériel symbolique pour se défendre face à un événement celui-ci peut être considéré comme traumatique. Après un traumatisme la réalité quotidienne est bouleversée, et la subjectivité transformée, et s'il accepte pleinement cet événement,

cette rencontre amoureuse, la vie du sujet peut changer radicalement. À l'heure où les personnes consultent les psychanalystes pour témoigner de leur insupportable solitude, les sites de rencontre en tous genres pullulent et font miroiter que l'amour se trouve en ligne. L'amour n'est peut-être pas ce qui vient effacer la solitude mais plutôt ce qui peut me la rendre un peu plus amie. Les sites internet de rencontres amoureuses souhaitent protéger le consommateur contre cet aspect traumatique de l'amour. Littéralement, le site Meetic propose d'être amoureux sans tomber. Cela correspond tout à fait à l'air du temps où l'on souhaite obtenir une chose, un objet, une marchandise sans avoir à en payer le prix, c'est-à-dire en refusant l'aspect négatif de la chose ou de l'objet (de la bière sans alcool, des cigarettes sans nicotine, du chocolat sans calorie, et de l'amour sans chute), car cela nous permettrait de garder une distance avec les choses, ne pas être trop attaché, et d'avoir le contrôle, la maîtrise.


Freud, nous rappelle que la psychanalyse est la troisième blessure narcissique de l'humanité, après Copernic et Darwin, le premier a montré que la Terre n'était pas au centre de l'univers, le second a prouvé que l'homme n'était pas au centre de la création mais le résultat d'une longue évolution qui le relie à tous les autres animaux. La psychanalyse nous indique que nous ne sommes même pas au centre de nous-mêmes, nous ne sommes pas maître en notre propre demeure, que nous ne pouvons ni maîtriser nos émotions, nos sentiments, nos affects, ni surtout nos pensées. Si l'inconscient a bien une réalité c'est celle-là et c'est une réalité que chacun expérimente quotidiennement.


Les sites de rencontre donc nous proposent de mettre en ligne un profil,

soit une image de nous-mêmes, c'est-à-dire ce que nous pensons connaître

de nous-mêmes. Mettre en ligne son Moi, c'est-à-dire le lieu même de notre méconnaissance. La méconnaissance ce n'est pas ne pas connaître, mais c'est mal connaître. Ce qui est pire.


Les sites de rencontre, qui portent d'ailleurs mal leur nom, permettent de mettre en ligne ce que nous imaginons de nous même qui serait susceptible de plaire à l'autre. Sans évoquer en détails l’algorithmatisation des profils, qui n'est plus un secret, selon leur “indice de désirabilité” qui font que nous ne voyons

apparaître sur notre écran Tinder uniquement les profils ayant le même

indice que le nôtre. Une rencontre du type “La Belle et le Clochard” ou “Roméo et Juliette” n'est aujourd'hui plus possible.


Régressons-nous à l'époque pré-romantique, celle d'avant les mariages d'amour, où les rencontres et les mariages entre jeunes gens étaient organisés et arrangés par les familles dans le but de conserver ou d'étendre leurs propres intérêts (économiques, sociaux…)? Sauf qu'aujourd'hui ce ne sont plus les oncles, les tantes ou les parents qui organisent ces

rencontres mais les sites internet, le tout en nous faisant croire que nous sommes libres. Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre, disait Goethe. Dans l'air du temps, qui est le nôtre, les choses de l'amour sont laissées de côté, il nous apparaît alors que le poète avait raison, et c'est à lui que revient le dernier mot :


L'amour doit être réinventé.


...


So you chose to come here instead of studying. You have failed in your duties. I thank you for that. Wasn't Socrates condemned to drink the hemlock, among other things, for corrupting the youth? This shows that having ideas can be very dangerous. But, we are not here to talk about death, but about love - although there are many links between the two.


So, if you are here, it is to hear about love and maybe even to get some love words. For love is about words, as the poet said, it is the words that make love. And I know, through my practice of psychoanalysis and of life, that there is an insatiable demand for love in human beings. But talking about love is a perilous exercise because the subject is so fascinating and universal that one can quickly fall into banality and boredom. Talking about love while adopting an expert posture is a contradiction in terms. Since love indicates the flaw, the incompleteness in all knowledge, and is what disturbs me to no end. I will come back to this. The best thing would be to be able to talk about love not by knowing but by loving. But is one capable of saying anything else than 'I love you' when one is in love?


I love as Love loves. I know no other reason to love you than to love you. What more do you want me to say than I love you if what I want to tell you is that I love you.

Fernando Pessoa


It would seem that poetry is the most appropriate form to talk about love, to make love speak. However, here we have decided to talk about it philosophy and psychoanalysis. Which in more ways than one may seem disappointing, because we must lose the poetic beauty.


Of course, I am also leaving aside the so-called scientific approach to love, or rather biologising, even naturalistic. Although this approach is fashionable, it depresses me to the core. Of course, I have the greatest respect and admiration for science and scientists, but I remain sceptical of the seemingly scientific explanations that tell me that if I fall in love with someone it is the effect of the dopamine or serotonin circuit in my brain or because my sensory receptors are sensitive to the release of hormones or pheromones from the person I like. And even more so when I learn that French kiss is a great way to renew my saliva and that having sex at regular intervals strengthens the heart muscle and makes my joints more flexible. It is here that we can see that Michel Houellebecq has an infinite source of inspiration to write new novels. What exactly are we talking about when we talk about love? The subject seems very broad. The Greek language has at least ten words for what the French language calls "amour". It is not for nothing that Marguerite Yourcenar said that all that is most beautiful in the human soul was written in Greek. Usually, we only remember four of the ten Greek names, namely: the best known may be Eros, love-desire, then Philia, love-friendship, then comes Storgê, love-tenderness, and finally Agapê, love-grace.


In psychoanalysis, what kind of love are we talking about? Freud is unambiguous on this and says when he talks about love he is talking about Eros, and even specifies it is Eros as Plato speaks of it. Eros is love-desire, sensual love. But what does Socrates tell us about about Eros? Socrates, let's remember, who could have been, according to Lacan, the first psychoanalyst. He failed by a small margin. In the Banquet, when it was Socrates' turn to speak, he said nothing, except about Eros, and all he knows about it was taught to him by a woman when he was very young himself, a certain Diotime of Mantina. It is not clear who this Diotime is; it is not even clear if she really existed. It is said that she kept the plague away from Athens. Apparently, a lot can be done with love. But the important thing is not whether she really existed or not, but rather that Socrates mentions a woman in

the middle of the all-male Banquet, which already points to the idea of a certain otherness. Diotime would have told him that love is not a God but a Demon whose function is to bind mortals to immortals. Freud, centuries later, would speak of the life drive and the death drive. The Demon is an entity that is far from appeasing but on the contrary, it disturbs. I spoke earlier of love as that which disturbs. This is already found in Socrates. Eros, love, was conceived on the day of the birth of Aphrodite, goddess of sexuality. This is enough to interest a psychoanalyst. But conceived by whom? By Penia - Poverty - and Poros - the Expedient. As the son of Poverty, love is "always destitute, and, far from being beautiful and delicate, as is generally thought, he is thin, unclean, shoeless, homeless, with no bed but the ground, without a blanket, sleeping under the stars by the doors and in the streets". As the son of the Expedient, he 'is always beautiful and good; he is male, bold, persevering, a skilful hunter, always devising some artifice, desirous of and learning with ease, philosophising incessantly, enchanter, magician, sophist and expert."


I think I have sufficiently set the scene with this philosophical and mythological diversions by mentioning that love is a phenomenon that disturbs, a Demon, and which is the result of an alliance between poverty, begging, almost, and on the other hand skulduggery, even cunning, in any case something that pushes him to always want to get out of it... But getting out

of what? I'll answer that a little later.


Falling in love


All this leads me to talk about the "falling" that comes to limit the experience of love. In fact, love always begins with something that falls, as the French language says very precisely: "tomber amoureux", and love also ends with a fall, in the end one "lets go" or In the end, one "lets fall" or is "let fall". I would therefore like to quote a novelist, Neil Gaiman, and then develop my point :


Have you ever fallen in love ? It's horrible isn't it? It makes you so vulnerable. It rips your chest, your heart out and it means that someone can get in there and make a mess of it. You build up all these defences, all this armour, so that you can't get hurt, and then the stupidest person appears in your life. The stupidest person shows up in your equally stupid life...and you give her a piece of you. That she didn't ask for. She did something stupid one day, like smile at you or kiss you, and since then your life doesn't belong to you anymore. Love takes you hostage. It gets into you. It eats you up and leaves you crying in the dark, and a silly phrase as "maybe we should stay friends" turns into a shard of glass that traces its way through your heart. It hurts. Not just in your imagination. Not just in your mind. It's a soul wound, a real pain that pulverizes you from the inside. I hate love.

This quote reminds me of another one, by a certain Sigmund Freud:


Never are we more deprived of protection against suffering than when we love m suffering than when we love, never are we more in unhappiness and distress than when we have lost the the object we love or its love.

After falling in love at first sight, the subject becomes in a particularly violent way aware of his constitutive lack, against which he was trying to protect himself as best as he could. What falls when the subject falls in love is precisely this imaginary protection that made him glimpse his self-sufficiency. In other words, it is part of narcissism itself that gives way when the subject falls in love. To put it in another way, when the subject falls in love he gets impoverished, as if something precious had been taken away from him. In psychoanalysis, we speak of a lost object, a piece of himself, which he imagines he will find in the other, in the very person, of the beloved, in the particular form of a precious object, like a shine in the beloved, that little extra something that Socrates calls agalma. This is the object that causes my desire.


We never really love anyone. We only love only the idea we have of that person. What we love is a concept we have created for ourselves - and in the end, is ourselves.

Fernando Pessoa


This is also one of the reasons why break-ups, love separations, when the subject is let down, are so painful. Because the subject doesn't want to give up that beloved, idealized part of himself that has been transferred to the other, the beloved person. The beloved person must be the object of a narcissistic disinvestment. In other words, it is a question of mourning. You may imagine that psychoanalysts have a rather dark view on love. But this is not really the case. But perhaps, as Freud said in a letter to his daughter, Mathilde, "love must be learned, like everything else". And we know that we always learn only at our own expense. On the subject of learning the things of love Freud seems to share the same view as Rainer Maria Rilke, who wrote:


Love is difficult. That two human beings love each other is probably the most difficult thing we can do. It is a limit, it is the ultimate criterion and test, the task for which all others are merely preparation. This is why young people, beginners in all things, do not yet know how to practice love. They must learn it. With all their being, with all their strength concentrated in their lonely, anxious hearts whose beats resound, they must learn to love. But the time of learning is always a long period, a time apart, so that to love is, for a long time and far away in life, solitude, increased and deepened isolation for the one who loves.

Love demand


You might ask me, after what I have just said, why then one feels so good when we love? If love is only violence and solitude, why do we feel so relieved when we know we are loved? To this I would say that very few people are relieved when they love, on the contrary, they feel weakened, caught off guard, besides in French we say "avoir un faible pour quelqu'un" (having a weakness for someone), but, on the other hand, a person who knows he is loved, will certainly feel relieved and lightened. Here you can retort that it depends on who we are loved by, and you would be right. The desire of the other always contains some anxiety. And perhaps the kiss is nothing more than a way of shutting the desire of the Other. "Kiss me and Shut up!" Freud said that to love is above all to want to be loved. There is a relief when we know we are loved, and this relief is perhaps nothing other than that of the powerful demand for love with which every human being comes into the world, by the very fact that he depends on a few others, his parents, to keep him alive. There is indeed something in the trade between the child and his parents that goes beyond the mere satisfaction of a need. When a mother breastfeeds her child, there is always something more than the simple fact of feeding him, of satisfying her child, or satisfying his hunger. What happens between the mother and the child, that little something more, that happens in the looks and smiles exchanged, the caresses and skin-to-skin contact, the soft words ... all of that is worth the name of love.


What Freud calls the "primordial distress" of the human being, which makes him or her absolutely dependent on the other does not apply so much on the biological level than on the level of love and its demand. The proof of this is the strange story that took place in the 13th century, when King Frederick II (who spoke nine languages: Latin, Greek, Sicilian, Arabic, etc.) wanted to conduct an experiment to. He wanted to do an experiment to find out what the 'natural' human language was. He put six babies in a nursery and ordered their nurses to feed them, put them to sleep, bathe them, but above all, never to speak to them. Frederick II hoped to discover what language the babies would naturally choose. He thought it would be Greek or Latin, the only original languages in his eyes. However, the experiment did not produce the desired result. Not only did none of the babies begin to speak any language, but all six withered and eventually died. Below the satisfaction of need, there is a demand for love, supported by desire, which can never be satisfied as a need is satisfied. Hell is not the others, as Sartre said, but the fact that it takes of the other, to quench this infinite thirst for love. There is also the story of a little girl who asks her mother for a sweet. Her mother gives it to her. And then five minutes later, the little girl comes back to her mother and asks for a sweet again. Her mother, without saying anything, gives it to her. Five minutes pass, and the little girl comes back again with the same request. And so on. In reality, this little girl does not really want candy, not just greedy, but eager for love. In fact, Winnicott, a British psychoanalyst who worked mainly with children, noted that the phenomenon of gluttony is often linked to a frantic quest for love. If this little girl asks her mother for this, and she does so insistently, it is not simply for the taste of the candy but above all for the pleasure it gives her when her when her mother takes care of her, gives her something, gives her attention, shows her that she loves her. Instead of giving the candy, one can imagine a conversation between mother and daughter about the candy itself. And the child forgets that he or she even wanted the candy, and shares a real good moment with his mother, who has symbolically filled her with words, and therefore much more than with a sweet.


Love and hate


We see here that there is an important part of love in recognition, a term dear to Hegel. To make a point of connection with philosophy, we could quote Hobbes: "Man is a wolf to man", but above all Spinoza

, whose formula includes and exceeds that of Hobbes': "Man is a God for man".


Indeed, man is a wolf to man, that is to say, men distrust each other, as if they were dealing with a wild, dangerous animal that would be on the lookout for the slightest weakness to attack them. But in front of any other man than himself, man also behaves as if he were facing a God, a superior being, from whom he expects a recognition and acknowledgement. And it is certainly when this lack of recognition occurs that hatred, which is never far from love, appears. While love aims beyond, or perhaps even below, the beloved, hatred is always directed at the being of the other whom it wants to destroy. Moreover, we often hear people say: "I don't know why this specific person. I can't even see her, I can't frame her even in a painting, it's physical."


Whereas love, and especially for women I must say, makes them ask this question to the other person: "But why do you love me? " We could replace this "Why do you love me? By "What is in me that you love and is unknown to me? "How can you even love me because if I were in your place I could never love someone like me?" In no way can we feel that we are loved because we deserve it, but always in spite of the fact that we do not deserve it, and all our flaws and all our weaknesses, our faults. The danger for love is to identify myself with what the other perceives as "lovable" in me. As Deleuze said, "If you are caught up in the dream of the other, you are screwed.” To the question "What do you love in me?", the most precise answer would perhaps be: " I love that something in you that is both more and less than you."


This is why love is also a comic feeling, since the subject imagines that what he or she lacks is to be found in the other, when we love someone we never love him or her for what he or she is but because we make him or her correspond to the coordinates of our own fantasies. We are therefore mistaken when we love, until we realise that the other does not fit our fantasy as well as it should, and that she is just as lacking, just as incomplete as we are. But even if in most cases this is where the hatred begins, and the tragic side of the matter begins, it still happens that love appears in its form of Agape , love for love's sake, since the subject can finally love the other in his radical otherness, beyond all his specular, imaginary projections. To love someone for such a reason or quality is always to disavow that in reality we don't really love her, or at best that we like her. Love is not the feeling I get when I make a list of all the qualities of a person. It is not on the side of idealisation but rather where the idealisation falls away, where the triviality and flaws emerge without detracting from their beauty. Love would therefore not be either eternal beauty or everyday banality, but eternal beauty in the heart of everyday commonness.


Dating sites


This brings me to the conclusion of my speech on the subject of dating sites. As I said earlier about falling in love, there is something very real about falling in love as an event that is truly traumatic for the person who undergoes it. Freud defines trauma as that which exceeds the defensive and integrative capacities of the ego. This means that when the subject does not have the symbolic material to defend himself against an event, it can be considered as traumatic. After a trauma, daily reality is disrupted, and subjectivity is transformed, and if he fully accepts this event, this amorous encounter, the subject's life can change radically.


At a time when people consult psychoanalysts to testify about their unbearable loneliness, dating sites of all kinds are proliferating and make people believe that love can be found online. Love may not be what erases solitude but rather what can make it a little more friendly. Dating websites want to protect the consumer from this traumatic aspect of love. Literally, the Meetic site offers to be in love without falling. This is in line with the current trend of wanting to obtain a thing, an object or a commodity without having to pay for it. A commodity without having to pay the real price, i.e. by refusing the negative aspect of the thing or object (beer without alcohol, cigarettes without nicotine, chocolate without calories, and love without falling), because this would allow us to keep a distance from things, to be able to not to be too attached, and to have control, mastery.


Freud, reminds us that psychoanalysis is the third narcissistic wound of humanity, after Copernicus and Darwin, the first to

that the Earth was not at the centre of the universe, the second proved that man was not at the centre of creation but the result of a long evolution that links him to all other animals. Psychoanalysis tells us that we are not even at the centre of ourselves, that we are not masters in our own home, that we cannot control our emotions, our feelings, our affects, but also and above all our thoughts. If the unconscious does have a reality, it is a reality that we cannot control and it is a reality that everyone experiences daily. Dating sites therefore offer us to put a profile online, an image of ourselves, that is, what we think we know of ourselves and what we want from the other who is, therefore, reduced to a really narcissistic criterias list. Putting one's profile online is to dispay the very place of our méconnaissance. Méconnaissance is not ignorance, but it is to know badly. Which is worse. Dating sites, which are misnamed by the way, allow us to put online what we imagine ourselves to be that would be likely to please the other person. Without going into detail about the algorithmatisation of profiles, which is no longer a secret, according to their "desirability index", which means that we only see on our Tinder screen those profiles with the same index as ours. A "Beauty and the Beast" or "Romeo and Juliet" type of encounter is no longer possible. It is actually a move back to the pre-romantic era, before love marriages, where meetings and marriages between young people were and arranged by families in order to maintain or extend their own interests (economic, social...)? Except that today it is uncles, aunts or parents who organise these meetings but internet sites, all the while making us believe that we are free. No one is more of a slave than he who believes himself to be free, said Goethe. In the current climate, which is ours, the things of love are left aside. The poet was right, and it is to him that the last word belongs :


Love must be reinvented.




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