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PIERRE FARAGO

Je salue le remarquable travail de Pierre Farago qui à partir de sa rencontre avec Raphaël — un jeune homme de 26 ans diagnostiqué « autiste » — a su produire un écrit d'une déconcertante originalité, loin, très loin des sentiers battus et des réflexes pavloviens dont les spécialistes de tous bords nous rebattent les oreilles.

Ce penseur, doté d'un sens de l'observation des plus aiguisés et d'une finesse d'analyse rare, interroge ce que notre époque nomme « autisme » afin de situer à sa juste place anthropologique et spirituelle ce phénomène qui témoigne de façon spectaculaire de la déshumanisation dont procède notre modernité qui s'assimile à n'être qu'une entreprise d'empêchement de l'advenue du sujet.

Extrait :

« A quoi bon se réveiller si personne ne vous attend? Est-il besoin de donner davantage de

commentaires? Notre occident vidé de ses croyances, entouré de ses charniers et des cendres de son passé, essaye d’occulter son désastre en plongeant tête baissée vers le vide et l’oubli. Ecrans, consommation, vide et médiocrité intellectuelle, spirituelle et morale : je m’arrête dans cette grise litanie. Paraphrasant Philippe Muray, je dirais qu’il suffit de mettre le monde entre guillemets pour qu’il nous apparaisse tel qu’en lui-même : porteur de bien peu de promesses et d’attente. L’autisme occidental est ainsi le signe d’une profonde déception ontologique doublée d’un brouillage symbolique dû à la perversion de marqueurs symboliques vitaux devenus illisibles notamment après leurs détournement par les régimes autocratiques et dictatoriaux responsables de meurtres de masse qui ont émaillé l’histoire du

XXème siècle, toujours associés à un culte de la personnalité de figures paternelles dévoyées.

[...]

On m’objectera que l’humanité est en guerre depuis les tout premiers moments de son émergence, sans que cela se soit jamais traduit par une explosion du taux de prévalence de l’autisme comparable à celle que nous observons actuellement. Certes, mais la grande nouveauté consiste présentement dans l’affaiblissement voire l’absence radicale au sein des sociétés contemporaines des marqueurs symboliques fondamentaux qui autrefois constituaient l’horizon structurant de toute société humaine, et qui offraient un cadre signifiant protecteur. En un raccourci efficace et frappant, on pourrait dégager un lien dynamique entre l’affirmation nietzschéenne « Gott ist tod », ou plus exactement le contexte sociétal et civilisationnel qui a rendu possible sa formulation, et de nombreux désordres symboliques contemporains observés, parmi lesquels l’autisme prend sa place. »



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