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Une controverse fait depuis longtemps rage à propos des parties composant cette histoire, entre celles appartenant à la structure d’origine et les autres qui sont des interpolations survenues beaucoup plus tardivement. Les universitaires ne se mettent pas d’accord, c’est d’ailleurs ce qu’ils sont supposés faire en tant qu’universitaires ; mais la tendance générale de la recherche a toujours été d’aller dans le sens disant que les parties interpolées, si elles existent, sont le prologue, l'épilogue ainsi que le discours du jeune homme qui vient s’excuser à la fin.


Je ne prétends nullement être en mesure de trancher de telles questions. Cependant, quelle que soit la décision faite par le lecteur quant à ces questions, il y a une vérité générale qu’il est bon de rappeler dans cette affaire. Lorsque vous êtes en face de n’importe quelle création artistique antique ne présumez jamais que celle-ci n’a pas été construite peu à peu.


Le Livre de Job a pu être fabriqué peu à peu, tout comme l’Abbaye de Westminster l’a été. Les peuples qui faisaient de la poésie antique, tout comme celui qui a construit l’Abbaye de Westminster, n’attachaient pas autant d’importance que cela à la date précise et à l’auteur précis ; cette importance n’est que la création de l’individualisme contemporain.


Nous pouvons par exemple mettre de côté le cas du Livre de Job, comme un cas compliqué avec des difficultés religieuses associées, et prendre n’importe quel autre … disons l’Iliade. Nombre de personnes ont maintenu le style caractéristique du scepticisme moderne : Homère n’a pas été écrit par Homère, mais par une autre personne du même nom. Ainsi, certaines personnes ont soutenu que Moïse n'était pas Moïse, mais une personne du même nom. Mais si nous devons nous rappeler d’une chose c’est bien que, dans le cas où ​l’Iliade a

vraiment fait l’objet d’interpolations par d’autres personnes, ceci ne revêt pas le même sens choquant que les procédés appartenant à notre temps individualiste. L’invention d’une épopée tribale était, jusqu’à un certain point, considérée comme un travail tribal, tout comme l'était la construction d’un temple tribal.


Croyez alors, si vous le souhaitez, que le prologue du Livre de Job, son épilogue et le discours d'Elihu ont été introduits après que le travail d’origine n’ait été achevé. Cependant ne présumez pas que de telles insertions aient le caractère creux et faux qui appartiendrait à n’importe quelles des insertions dans un de nos livres modernes et individualistes. Ne considérez pas ces insertions comme vous considéreriez un chapitre dans George Meredith dont on découvrirait après-coup qu’il n’a pas été écrit par George Meredith, ou encore comme la moitié d’une scène dans Ibsen dont vous faites la découverte qu’elle a été habilement glissée par Mr. William Archer.


Souvenez vous que ce Vieux Monde, qui faisait des poèmes tels que l'Iliade ou encore le Livre de Job, conservait toujours la tradition de ce qu’il faisait. Un homme pouvait ainsi laisser un poème à son fils afin qu'il le termine de la façon dont il l'aurait souhaitée, tout comme un homme pouvait laisser un champ à son fils, pour qu'il soit moissonné de la façon dont il aurait voulue qu'il soit moissonné. Ce qui s'appelle l'unité homérique peut être un fait ou pas. L'Iliade a pu être écrite par un seul homme. Elle a pu aussi l'être par une centaine d'hommes. Mais rappelons nous qu'il y avait plus d'unité en ces temps dans cent hommes qu'il n'y en a de nos jours en un seul. Ainsi une ville était comme un seul homme. Aujourd'hui, un homme est comme une ville en pleine guerre civile.


Sans aller, par conséquent, dans ces questions d'unité telles que les entendent les universitaires, nous pouvons dire de cette énigme historico-universitaire que le livre de Job possède une unité au même titre que toutes les grandes créations en possèdent une ; dans le sens où la Cathédrale de Canterbury possède une unité. Et la même chose est largement vraie au sujet de ce que j’ai appelé l'énigme philosophique. Il y a un sens réel au sein du Livre de Job qui fait qu’il tient une place à part des autres livres, y compris ceux qui appartiennent au canon de l’Ancien Testament.


Encore une fois, ceux qui sont dans l’erreur sont ceux qui insistent sur l'entière absence d'unité. Ceux qui maintiennent que l’Ancien Testament n’est qu’une simple collection bancale n’ayant ni consistance ni but ont tort. Que le résultat final ait été obtenu par une quelconque vérité surnaturelle et spirituelle, par une solide tradition nationale, ou simplement par une ingénieuse sélection à travers les âges … les livres de l’Ancien Testament ont une unité remarquable. Tenter de comprendre l’Ancien Testament sans avoir conscience de cette idée principale serait aussi absurde que d'étudier une des pièces de Shakespeare sans avoir à l’esprit les motifs philosophiques de l’auteur.


C’est comme si un homme allant lire l’histoire d’Hamlet, Prince du Danemark, pensait tout le long de sa lecture que ce qui compte vraiment est l’histoire de ce vieux pirate de prince danois. Un tel lecteur ne comprendrait pas que le retard sans cesse répété d’Hamlet fait partie de l’intention du poète. Il dirait alors bêtement : “ Encore combien de temps avant que le héros de Shakespeare ne tue son ennemi ? ”.


Ainsi parlent les broyeurs de Bible, qui sont malheureusement toujours parmi ses plus bas adorateurs. Ils ne comprennent pas le ton particulier et l’intention de l’Ancien Testament ; ils ne comprennent pas l'idée principale, qui est que chaque homme est purement l’instrument d’une puissance supérieure.


Ceux qui, par exemple, se plaignent des atrocités et des traîtrises des juges et des prophètes d'Israël ont vraiment ancré dans leur esprit une notion qui est à mille lieues du sujet. Et ils sont chrétiens en plus. Ils relisent les écritures pré-chrétiennes selon une idée purement chrétienne — l'idée de Saints, que les instruments principaux de Dieu sont des hommes particulièrement bons. Cette idée est plus profonde et plus osée que la vieille idée juive. C’est l'idée que l’innocence a quelque chose de terrible puisqu’au long terme elle fait et refait les empires et le monde. Alors que l’Ancien Testament a quelque chose qui a plus à trait à ce que l’on appelle le sens commun : la force est la force, la ruse est la ruse, le succès mondain est le succès mondain, et Jéhovah s’en sert à dessein, comme Il se sert des forces naturelles ou des éléments physiques. Il utilise la force du héros comme celle du mammouth — sans respect particulier pour le mammouth.


Je ne comprends pas comment certains sceptiques simples d’esprit peuvent lire de telles histoires et penser qu’il s’agit d’une fraude de la part de Jacob, et supposer que l’homme qui les avait écrites (peu importe qui il est) ne savait pas, comme nous nous le savons, que Jacob était un voyou. Le sens de l’honneur primaire des hommes ne change vraiment pas. Mais ces sceptiques simples d’esprit sont comme la majorité des sceptiques modernes. Chrétiens. Ils s’imaginent que les patriarches doivent être considérés comme des modèles.


Ils s’imaginent que Jacob était là comme une espèce de Saint ; et dans ce cas je ne me demande pas pourquoi ils sont un peu effarouchés. Ce n’est pas du tout l'atmosphère de l’Ancien Testament. Les héros de l’Ancien Testament ne sont pas les fils de Dieu, mais ses esclaves, de gigantesques et terribles esclaves, comme le génie était l’esclave d’Aladin.


La partie la plus importante de l’Ancien Testament a pour idée principale ce que l’on pourrait nommer “ la solitude de Dieu ”. Dieu n’y est pas le personnage principal. A proprement parler, Dieu est le seul personnage de l’Ancien Testament. Lorsque nous comparons la clarté de ses desseins à toutes les autres volontés, celles-ci nous apparaissent lourdes, automatiques, comme celles des animaux ; comparés à sa véracité, tous les fils de chair ne sont que des fantômes. Encore et encore, il y a inscrit : “ Avec qui a-t-il pris conseil ? ”, “J’ai foulé le pressoir seul, et tous ces gens là-bas n'étaient personne pour moi ”. Tous ces patriarches et prophètes étaient

simplement ses outils ou ses armes ; le Seigneur, lui, est un guerrier. Il utilise Joshua comme un axe et Moïse comme une règle. Pour lui Samson est seulement un sabre et Isaie une trompette. Les saints du christianisme sont supposés être comme Dieu ; être, comme ils l'étaient, de petites statuettes de lui. Le héros de l’Ancien Testament n’est pas plus supposé être de la même nature que Dieu qu’une scie ou un marteau ne sont supposés être de la même forme qu’un charpentier.


Voici la clé majeure et caractéristique de l’ensemble des écritures hébraïques. Il y a, en effet, dans ces écritures, d’innombrables exemples d’humour rugueux, d'émotion vive, ainsi que de puissantes individualités, qui jamais ne viennent à manquer dans les grandes proses et poésies des temps anciens. Néanmoins, la caractéristique principale demeure ; le sens n’est pas simplement que Dieu est plus fort que l’Homme, ni qu’Il est simplement plus secret que l’Homme, mais qu’Il est plus profond, qu’Il sait mieux ce qu’Il fait, comparés à Lui nous avons quelque chose de vague, de déraisonnable, du vagabondage des bêtes qui périssent : “ C’est Lui qui est assis sur la planète, ses habitants, et ses plaines de sauterelles. ”


Nous pouvons presque le dire ainsi. Le livre a tellement pour objectif de faire valoir la personnalité de Dieu qu’il en affirme presque l'impersonnalité de l’homme. A moins qu’une chose n’ait été conçue par le gigantesque cerveau cosmique, cette chose est vide et fragile ; l’homme n’a pas assez de ténacité pour assurer sa continuité. “ Sans la volonté du Seigneur pour construire leur maison, leur labeur n’est que pure perte. Si ce n’est Dieu lui-même qui surveille la ville, le gardien veillera en vain. ” Partout ailleurs dans l’Ancien Testament est loué l’effacement de l’homme aux dépens des desseins divins. Le livre de Job a vraiment une place particulière puisqu’il demande : “ Mais quel est le but de Dieu ? Vaut-il réellement le sacrifice de notre pauvre humanité ? C’est évidemment facile de fouetter nos médiocres volontés au nom d’une autre plus sage et plus grande, mais est-elle plus sage et plus grande ? Laissons Dieu se servir de ses outils ; Mais qu’est-il en train de faire et dans quel but au juste se sont-ils brisés ? ”


Ces questions nous obligent à aborder le livre de Job comme une énigme philosophique. L'importance toute actuelle du Livre de Job ne peut pas être exprimée de façon satisfaisante, même en disant que c'est le plus intéressant des livres anciens. Nous pouvons presque dire que le Livre de Job est le plus intéressant des livres modernes. En vérité, bien entendu, aucune des ces deux phrases ne recouvrent le sujet, parce que la profonde (ir)religiosité de l’Homme est à la fois ancienne et moderne ; la philosophie doit être éternelle sinon ce n'est pas de la philosophie. L'habitude contemporaine d’affirmer : “ C'est mon opinion, mais je peux avoir tort ” est complètement irrationnelle, et : “ Chaque homme a une philosophie différente ; c'est ma philosophie et ça me va comme ça ” ; dire cela est un signe de faiblesse d'esprit. Une philosophie cosmique n'est pas construite pour embrasser un homme ; une philosophie cosmique est construite pour embrasser le cosmos. Un homme ne peut pas plus posséder une religion privée qu'il ne peut posséder un soleil ou une lune privés.


La première des beautés intellectuelles du livre de Job est que tout est accès sur le désir de connaître la réalité ; le désir de connaître ce qui est, et non ce qui parait. Si les modernes avaient écrit ce livre nous y lirions probablement que Job et ses consolateurs se correspondaient très bien, par la simple opération de lier leurs différences à ce que l’on appelle “ tempérament ” ; les consolateurs seraient de nature “ optimiste ” et Job de nature “ pessimiste ”. Et ils n’auraient eu aucun problème, comme c’est souvent le cas, au moins pour un temps, à se mettre d’accord dans le but d’affirmer des choses totalement fausses. Si le mot “ pessimiste ” veut dire quelque chose, alors Job n’est vraiment pas un pessimiste. Son unique cas suffit pour réfuter l'absurdité moderne de relier toute chose au tempérament.


En aucune façon Job ne regarde la vie d’un angle maussade. Si souhaiter être heureux et toujours se tenir prêt à l'être est ce qui constitue un optimiste. Job est un optimiste. Il est un optimiste perplexe ; un optimiste exaspéré, un optimiste indigné et insulté. Il veut que l’univers se justifie, non pas parce qu’il souhaite le prendre à défaut, mais parce qu’il veut vraiment qu’il soit justifié. Il réclame une explication de la part de Dieu, mais il ne fait pas cela du tout dans l’esprit avec lequel Hampden réclame une explication de la part de Charles I. Il le fait avec le même esprit qu’une femme exigerait une explication de la part de son mari qu’elle respecte vraiment. Il se débat avec son Créateur parce qu’il est fier de son Créateur. Il parle même au Tout Puissant en tant que contradicteur, sans jamais s’imaginer, ne serait-ce qu’en arrière pensée, que le contradicteur de Dieu posséderait quoique ce soit qu’Il ne comprendrait pas. Dans un fin et célèbre blasphème il dit : “ Oh, que mon adversaire eu écrit un livre ! ” ça ne lui aurait jamais venu à l'idée que le livre puisse être mauvais. Il est soucieux d'être convaincu … c’est qu’il pense donc que Dieu peut le convaincre.


En bref, nous devrions dire une fois encore que si le mot “ optimiste ” veut dire quelque chose (ce dont je doute) Job est un optimiste. Il secoue les piliers du monde et percute violemment les cieux, il enchaine les étoiles, non pour les rendre silencieuses ; mais bien pour les faire parler. C’est de cette même façon que nous devrions parler des optimistes officiels : les consolateurs de Job. Encore une fois, si le mot “ pessimiste ” veut dire quelque chose (ce dont je doute) les consolateurs de Job devraient plutôt être appelés pessimistes qu’optimistes. Tout ce qu’ils croient n’est pas que Dieu est bon, mais que Dieu est si fort qu’il est bien plus judicieux de l’appeler Bon ; ça serait une exagération de les appeler évolutionnistes ; mais tout de même ils ont quelque chose de l’erreur vitale de l’optimisme évolutionniste. Ils continueront d’affirmer que toute chose dans l’Univers correspond à une autre chose : comme s’il y avait quoique ce soit de réconfortant qu’un nombre de mauvaises choses se recouvrent les unes les autres.


Nous verrons, un peu plus tard lors de l'acmé du Poème, comment Dieu renverse cet argument. Quand, à la fin du poème, Dieu entre en scène (de façon quelque peu abrupte), le coup splendide et vif est donné et rend ce livre grandiose. Tout au long de cette histoire les êtres humains, et Job en particulier, posaient des questions à Dieu. Un poète plus trivial aurait fait apparaître Dieu sous telle ou telle forme afin qu’Il réponde aux questions. Dans ce geste que l’on peut vraiment qualifier d'inspiré, si Dieu apparaît, c’est d'abord pour poser un tas de questions à son propre sujet. Dans ce drame du scepticisme, Dieu lui-même endosse le rôle du sceptique. Il fait ce que les grandes voix défendant la religion ont toujours fait. Il fait ce que, par exemple, Socrate a fait. Il retourne le rationalisme contre lui-même. Il semble dire qu’il vient pour poser des questions. Il peut poser des questions qui tomberont du ciel et s'écraseront tout droit sur tous les interrogateurs humains.


Le poète, par une intuition exquise, a fait que Dieu, ironiquement, accepte une sorte de joute verbale d’égal à égal avec ses accusateurs. Il est d’accord pour considérer la situation comme une sorte de duel équilibré : “ Ceindons maintenant les lombes comme un homme ; pour ça je serai exigeant envers vous trois, et répondrai de moi. ” L’Eternel adopte une énorme et sardonique humilité. Il se porte volontiers à être interrogé. Il demande seulement, pour le Droit, ce que chaque personne poursuivie possède. Il demande à être autorisé à contre-interroger le témoin pendant l’interrogatoire.


Et il pousse encore plus loin le rapprochement avec le domaine juridique. Comme première question, pour aller droit à l’essentiel, il demande à Job ce que n’importe quel criminel supposé se verrait demander. Il demande à Job qui il est. Et Job, étant un homme d’une intelligence sincère, prend un peu de temps pour réfléchir, et arrive à la conclusion qu’il ne sait pas. C’est le premier fait notable quant au discours de Dieu, et c’est le paroxysme de l’interrogatoire. Cela représente tout le scepticisme humain dérouté par un scepticisme bien plus grand. C’est la méthode, dont certains esprits suprêmes et d’autres médiocres se servent, qui depuis a toujours été l’arme logique du mystique authentique. Socrate, comme je l’ai dit, l’utilise quand il montre que si vous lui permettez simplement une sophistique suffisante il détruirait tous les sophistes. Jésus Christ s’en est servi quand il fait remarquer aux sadducéens, qui ne pouvaient pas imaginer la nature du mariage au paradis, qu’ils ne pouvaient alors pas non plus imaginer la nature du mariage terrestre. Dans la cassure de la théologie chrétienne au XVIIIe siècle, Butler s’en est servi aussi, quand il a fait remarquer que les propositions rationalistes peuvent être utilisées aussi bien comme une espèce de religion que contre la doctrine religieuse elle-même, et tout aussi bien contre l'éthique rationaliste que contre l'éthique chrétienne.


C’est la racine et la raison du fait que les hommes qui ont la foi religieuse ont aussi un doute philosophique, comme le Cardinal Newman, Mr Balfour, ou Mr. Mallock. Voici les petits cours d’eau du delta ; le livre de Job est la première véritable cataracte qui crée la rivière.


En traitant avec l’assesseur arrogant du doute, la bonne méthode n’est donc pas de lui demander d'arrêter de douter. La bonne méthode consiste plutôt à lui dire de douter plus en avant, de douter un peu plus, de douter tous les jours une nouvelle fois et de façon plus large des choses de l’univers, jusqu'à ce qu’enfin, par une étrange illumination, il pourra commencer à douter de lui-même. C’est, je dis, le premier fait touchant du discours ; la fine inspiration par laquelle Dieu arrive à la fin, non pas pour résoudre les énigmes, mais pour les soulever. L’autre fait important, pris ensemble avec le précédent, et qui fait que tout ce travail religieux peut être appelé simplement philosophique ; c’est la grande surprise que Job se retrouve soudainement satisfait avec la simple présentation de quelque chose d’impénétrable. Au niveau de l'énonciation, les énigmes de Jéhovah semblent plus sombres et plus désespérées que les énigmes de Job ; mais Job était dans l’inconfort, sans aucune ressource avant le discours de Jéhovah , puis se trouve conforté après. Rien ne lui a été dit, mais il ressent l’atmosphère, terrible et frissonnante, que quelque chose est trop beau pour être dit. Le refus de Dieu d’expliquer son dessein est en soi un indice brûlant de son dessein. Les énigmes de Dieu sont plus satisfaisantes que les solutions des hommes.


Troisièmement, bien entendu, il y a l’une des splendides réprimandes que Dieu adresse aux hommes qui l’accusent, et aussi aux autres qui le défendent ; ainsi il écrase d’un même coup de marteau les optimistes et les pessimistes. Et il y a là une connexion avec les mécaniques et hautains consolateurs de Job en ce qu’il se produit une inversion plus profonde et redoublée de ce dont je parlais plus haut.


L’optimiste mécanique s’efforce de justifier l’univers en suivant un modèle rationnel et logique. Il fait remarquer que ce qui est beau dans notre monde est le fait qu’il puisse être expliqué. C’est le premier point, si je devais le

dire ainsi, sur lequel Dieu en retour, est explicite jusqu'à la violence. Dieu dit, en effet, que s’il y a une belle chose à propos de ce monde, aussi loin que les hommes en sont concernés, c’est qu’il ne peut pas être expliqué. Il insiste sur l'inexplicabilité de toute chose “ la pluie, un père ? … De quelle utérus vient la glace ? ” Il va plus loin et insiste sur la positive et palpable déraison des choses ; “ Pourquoi la pluie a été envoyée au-dessus du désert là où nul homme ne vit, et au-dessus de la sauvagerie où nul homme ne se trouve ? ” Dieu fera voir les choses à l’homme, si seulement cela se soutient de l’obscur arrière-fond de la vacuité. Dieu montrera l'univers étoilé à Job seulement s’Il peut le faire en lui montrant un univers imbécile.


Pour surprendre l’homme Dieu devient pour un moment un blasphémateur ; on pourrait presque dire que pour un moment Dieu devient athée. Il déroule devant Job un long panorama des choses créées, le cheval, l’aigle, le corbeau, l'âne, le paon, l’autruche, le crocodile. Et ainsi il les décrit comme des monstres marchant sur le soleil. Le tout est une sorte de psaume ou de rhapsodie du sens de l'émerveillement. Le Créateur de toutes choses est lui même étonné de tout ce qu’il a créé . Ceci est le troisième point.


Job pousse encore plus loin l’interrogation ; Dieu lui répond avec une exclamation. Au lieu de prouver à Job que le monde est explicable. Il insiste auprès de Job que ce monde lui est bien plus étranger que ce qu'il n'aurait jamais pu imaginer.


Finalement, c’est là où le poète accomplit son discours, avec cette précision artistique inconsciente que l'on retrouve dans les épopées plus sobres, encore une touche très raffinée. Sans jamais se détendre ; la rigide impénétrabilité de Jéhovah dans ses déclarations délibérées, il a trouvé un moyen de glisser ici et là les métaphores dans une parenthèse imaginaire, de fugaces et splendides allusions quant au secret de Dieu qui est brillant et non pas triste — des allusions semi-accidentelles, comme une lumière aperçue un instant à travers les craquelures d’une porte fermée.


Il serait difficile de louer, dans un sens purement poétique, l’exactitude et l’aisance instinctives avec lesquelles ces allusions optimistes sont distribuées, comme si le Tout-Puissant lui-même était effrayé par la conscience qu’Il les laissait s'échapper. Par exemple, il y a ce célèbre passage où Jéhovah avec un sarcasme dévastateur, demande à Job où il était quand les fondations du monde ont été établies, et ensuite (comme s’il avait simplement fixé une date) il mentionne le temps où les fils de Dieu criaient de joie. On ne peut pas ne pas sentir, par le biais même de cette maigre information, qu’ils ont du avoir une raison pour crier ainsi. Ou encore, quand Dieu parle de neige et de grêle dans le simple catalogue du cosmos physique. Il en parle comme d’un trésor qu’il a mis en place contre le jour de la bataille — indice d’un Armageddon énorme dans lequel le mal sera enfin renversé.


Rien ne peut être mieux, artistiquement parlant, que cet optimisme traversant l’agnosticisme, comme de l’or jaillissant des bords d’un nuage noir. Ceux qui regardent superficiellement l’origine barbare de l'épopée peuvent penser que c’est fantaisiste de lire tellement de significations artistiques. Cependant, ceux s'étant familiarisés avec la poésie semi-barbare, comme le Chant de Roland ou Les Vieilles Ballades, ne se feront pas avoir. Ceux-là mêmes qui savent que la poésie primitive, en dépit de sa forme simple, est capable de produire des effets fins et subtils.


L’Iliade a réussi à exprimer l'idée que Hector et Sarpédon avaient un ton ou plutôt une nuance d’une triste résignation chevaleresque, pas suffisamment amère pour être appelée pessimisme, ni suffisamment joviale pour être appelée optimisme. Homère n’aurait jamais pu dire cela dans un vocabulaire châtié. Mais, d’une façon ou d’une autre, il a réussi à le dire avec des mots simples. Le Chant de Roland a réussi à exprimer l'idée que le christianisme impose à ses héros un paradoxe : le paradoxe d’une grande humilité concernant leur péché combinée avec une grande férocité dans le domaine des idées. Bien entendu, le Chant de Roland ne pouvait affirmer cela ; mais c’est ce qu’il véhicule.


D’une façon similaire, le Livre de Job doit être crédité de multiples effets subtils qui sont dans l'âme de l’auteur sans pourtant se trouver dans son esprit. Voici même aujourd’hui ce qui est de loin la chose la plus importante à affirmer. Je ne sais pas, et je doute même si les universitaires savent, si le Livre de Job a eu un effet de menace ou même quelque effet que ce soit sur le développement ultérieure de la pensée juive. Mais s’il en a eu vraiment un, il a pu les sauver d’une grave destruction et détérioration. Ici dans ce livre la question est vraiment posée de savoir si Dieu punit invariablement les vices avec des punitions terrestres, et récompense la vertu avec des prospérités terrestres. Si les juifs avaient mal répondu à cette question ils auraient pu y perdre toute leur influence dans l’Histoire. Ils auraient même pu couler jusqu’au niveau de la société moderne et bien éduquée.


Lorsque les gens ont commencé à croire que la prospérité est la récompense de la vertu, le désastre qui en découle est évident. Si la prospérité est considérée comme la récompense de la vertu, elle sera alors considérée comme le symptôme de la vertu. Les hommes abandonneront leur lourde tâche qui consiste à transformer les hommes bons en hommes fructueux. Ils adoptent alors la tâche plus simple de rendre les hommes fructueux en hommes bons. Ceci, ce qui est apparu à travers le commerce moderne et le journalisme, est la dernière Némésis du vicieux optimisme des consolateurs de Job. Si les Juifs ont pu échapper à cela, c’est par le fait du Livre de Job.


Le Livre de Job est hautement remarquable, comme j’y ai insisté tout du long, aussi parce qu’il ne se termine pas d’une façon conventionnellement satisfaisante. Il n’a pas été dit à Job que ses souffrances sont dues à ses péchés ou qu’elles sont une partie de son évolution. Dans le prologue nous assistons aux tourments de Job non pas parce qu’il est le pire des hommes, mais bien parce qu’il est le meilleur d’entre eux.


L’enseignement principal est que l’homme se retrouve conforté par les paradoxes. Ici, le plus obscur et étrange des paradoxes ; qui est, parmi tout l'héritage de l'humanité, le plus rassurant. Je n’ai pas besoin de dire dans le sens le plus gratuit et philosophique qu’il y a une figure dans l’Ancien Testament qui est vraiment un modèle ; ou d’affirmer ce qui est préfiguré dans les blessures de Job.







  • Rudy Goubet Bodart

Si l'infection est réelle, la contagion est, quant à elle, idéologique.


Une façon intuitive de comprendre cette proposition est de constater que bien que nous ne connaissons que peu, voire très peu, de personnes atteintes, souffrant et décédées du virus (infection réelle) nous n'en n'avons rencontré aucune dont l'existence ait été épargnée par celui-ci (contagion idéologique). Si l'infection (réelle) se fait surtout via les mains, la contagion (idéologique) se fait par les oreilles, nous révélant ainsi notre propre insu-portable : notre prochain.


Depuis la nuit des temps, une traînée pulvérulente de culpabilité accompagne toute épidémie ou catastrophe naturelle qui, au-delà ou en deçà de son caractère réel, représente aussi, voire surtout, l'occasion, si ce n'est l'opportunité, pour certains, d'un examen de conscience général. L'Homme, cette étrange créature davantage parlée que parlante, n'est que l'effet du jeu du signifiant et de sa logique qui le gouvernent, et en cela, maladie et malheur ne peuvent être perçus pour ce qu'ils sont mais toujours éveillent, en lui, le soupçon qu'une ancestrale faute contre les mœurs a été commise et le persuadent qu'il faut inventer de nouvelles coutumes pour apaiser les Dieux obscurs, supposés à l'origine de ces manifestations, qui toujours réclament davantage de sacrifices.


D'aucuns regrettent l'absence, dans nos sociétés modernes, de pratiques de la conjuration, mais à y regarder de plus près, ne peut-on pas interpréter toutes ces nouvelles recommandations et autres obligations — qui ne tiennent pas la route scientifiquement et détruisent plus d'existences qu'elles ne sauvent de vies — comme étant autant de nouveaux rituels, cérémoniels pour éloigner le virus comme l'on conjure le sort ? L'Organisation Mondiale de la Santé prophétise même un « virus éternel », même après le vaccin ; que cela augure-t-il quant à ses nouvelles « bonnes pratiques » introduites brutalement dans les interstices de notre quotidienneté dorénavant méconnaissable ? Les réponses à cette épidémie nous semblent alors dévoiler leur nature profondément religieuse, même si celles-ci se présentent sous de fallacieuses apparences rationnelle et scientifique. Lorsqu'elles ne répondent pas du Credo quia absurdum, elles flirtent avec la pensée magique. Un détour par l'étymologie nous indique que « religion » vient de « religio » dont la racine est « ligare » qui veut dire « lier, attacher » et « re-ligare » signifie, donc : « lier plus fortement ». À l'image de ce qu'avait fait subir un Girolamo Savonarola à la ville de Florence au xvème siècle, voici sous quels traits nouveaux paraît se dessiner l'ordre social de fer qui progressivement s'instaure et signe le divorce entre ce qui est communément nommé « démocratie occidentale » et le paradigme économique et financier global — celui-ci ayant besoin de se débarrasser de celle-là pour poursuivre son développement. Ancré dans une représentation religieuse elle-même deniée, le remède économique, social, sécuritaire et bientôt technologique — qui ne veut pas dire scientifique — nous apparait plus dangereux que la maladie elle-même, qui provient d'un virus dont l'origine est encore, à ce jour, inconnue.


Nos propos ne semblent pas faire la part belle à la religion, et peuvent même apparaître comme acerbes à son endroit. C'est pourtant dans la théologie elle-même que nous trouvons un motif d'espérance. La situation actuelle n'est pas sans nous rappeler le fameux Livre de Job, qui est, sans nul doute, l'un des tout premiers écrits bibliques qui introduit au manque dans l'Autre et constitue en cela une critique radicale de l'idéologie. Gageons que si la Bible devait être réécrite aujourd'hui, ce passage serait vraisemblablement le premier à être supprimé ou profondément remanié. Le Livre de Job nous rappelle que la maladie et le malheur n'apparaissent pas dans la vie de l'Homme comme étant la résultante d'un écart coupable quant à l'idéologie dominante, ou pour le dire autrement, aux croyances instituées. Ainsi, suite à une série infernale de malheurs qui lui arriva, les trois amis-inquisiteurs de Job, lui font faire un scrupuleux examen de conscience afin de déceler la faute qu'il aurait commise. Job, lui, le plus pieux et le plus fidèle des serviteurs de Yahvé, démonte une par une toutes ces accusations masquées jusqu'à ce que Yahvé « en personne » intervienne dans le débat, contredise ses propres fondements, préceptes, principes et croyances, et devienne, pour ainsi dire, alors athée un instant, afin de donner raison à Job face à ses amis, alors tout à fait incrédules.


De façon quelque peu provocatrice, il est vrai, amusons-nous à imaginer ce que serait aujourd'hui une situation similaire au Livre de Job : un homme qui aurait cumulé maladie et malheur à cause du virus ne se verrait-il pas violemment interrogé par ses amis, ses proches : « As-tu porté ton masque ? Respecté la distanciation ? Lavé tes mains ? Non ? Ne serais-tu pas complotiss ? » Notons, tout de même, que cet exemple tiré de notre imagination n'est pas complètement irréaliste puisque nous entendons déjà dans les cours d'école des enfants masqués dire à d'autres, non-masqués, eux, que si leurs grand-parents venaient à mourir ce serait de leur faute.


Alors, en quoi la psychanalyse peut-elle aujourd'hui encore nous être précieuse, et qu'a-t-elle à nous transmettre ? Nous ne pouvons plus compter sur l'apparition d'un quelconque Dieu pour nous sortir de là, puisque sa mort a laissé en nous un vide abyssal qui est bien sûr celui de notre liberté aussi fondamentale que vertigineuse et donc de notre responsabilité foncière et absolue face à ce que nous appelons « Destin » : ceci constitue La Bonne Nouvelle. Faisons un pas supplémentaire et émettons l'idée que dans le Livre de Job c'est le Dire même de celui-ci qui fait sortir Dieu de ses gonds. Un miracle athée serait aujourd'hui qu'un homme subissant ces attaques, ces accusations puisse se soutenir de son Di(eu)re pour couper ce qui est toujours déjà en lui coupable : son désir d'aller à la rencontre de la vie hostile, qui seul peut le sortir de son infantilisme et de sa détresse primordiale, auxquels nous sommes tous bien trop enclins. Qu'il puisse, à partir de cette coupure responsable, arrêter de réclamer plus de lois, d'interdictions, de décrets, d'ordres auxquels se soumettre puisque ceux-ci ne sont qu'une protection névrotique face à la seule loi qui vaille : celle du désir.


Pire que l'angoisse de mort donc : l'angoisse de vivre.


Il régne, à notre époque, une telle soif de catastrophe, un tel désir d'apocalypse, une telle force autodestructrice, un tel besoin d'échec, une telle névrose d'autopunition, et un tel appétit pour la souffrance, la noirceur et la morbidité, que la moindre bonne nouvelle et la plus infime lueur de vie qui apparaissent à l'horizon doivent vite, très vite, être rejetées de crainte qu'elles ne nous empêchent de jouir encore, encore un peu, de nos peurs et de nos terreurs adorées, et qu'elles ne contrecarrent pour de bon nos profonds souhaits sécuritaires de se réaliser. Nous sommes sur terre, il n'y a aucun vaccin, ni remède à ça. Le mieux que nous puissions faire, à nos risques et périls, est de frôler la vie.


Demandons-nous alors, à la suite de Sigmund Freud, pourquoi l'Homme moderne n'arrive pas, en se conformant aux résultats obtenus par la science, à se débarrasser des oripeaux du religieux ? Nous avons l'impression, au contraire, que la religion covidienne, pour l'appeler par son nom, tire sa puissance d'apparats scientifiques, qui ne sont en réalité que scientisme. Pourquoi la raison et l'intellect n'arrivent-ils pas à bout du Credo quia absurdum ? Ici, nous ne ferons que reprendre, presque mots pour mots, ce que le Père de la psychanalyse a écrit en 1927, à savoir que celui qui ne souffre pas de névrose n'a pas besoin non plus d'intoxication pour étourdir cette névrose. Et aujourd'hui, ils sont peu nombreux, malgré l'invention de la psychanalyse, ceux qui ont courageusement voulu affronter et grappiller du terrain sur leur névrose. Mais, au lieu de cela, ils échangent bien volontiers leur névrose individuelle contre la névrose universelle qui se déploie sous nos yeux, et qui mérite bien le nom de névrose universelle de contrainte. Celle-ci révèle ô combien comment quelques siècles de science n'arrivent pas à bout de millénaires de religion et ô combien aussi l'Homme moderne s'illusionne avec le scientisme afin de masquer la fait que foncièrement il croit. La nouveauté est qu'il croit qu'il ne croit pas. Mais nous savons bien que l'homme de croyance, et de piété, qui scrupuleusement suit les obligations et recommandations, abandonne bien volontairement sa névrose individuelle, dont il est le seul responsable, pour épouser une névrose universelle, de laquelle il attend son salut s'il est bien obéissant.


Ainsi, c'est en compagnie du poète véritable, notre compagnon d'incroyance que nous concluons ce (trop) bref tour d'horizon :


« Nous voulons dès cette terre

Édifier l'empire des cieux.


Il pousse ici-bas assez de pain

Pour tous les petits de l'homme,


Et des petits pois sucrés,

Oui, des petits pois sucrés pour tout un chacun,

Dès que les cosses éclateront.


Le ciel, nous le laissons

Aux anges et aux moineaux. »


Heinrich Heine



  • Rudy Goubet Bodart

« A la clinique, lorsque j’étais interné, certains se prenaient pour Robinson Crusoé, d’autres pour Napoléon, et moi, personne ne me croyait lorsque je leur disais que j’étais Diego Maradona. »


Diego Maradona n'était pas sans savoir comment toute identification fonctionne. Personne, même pas Dieu lui-même, n'est directement ce qu'il est ; mais chacun a besoin d'un point extérieur, un point ex-centrique d'identification. Le fou n'étant pas simplement celui qui se prend pour Napoléon ou Robinson Crusoé, mais plus fondamentalement encore celui qui se prend pour lui-même.


El Pibe de Oro n'était pas à une contradiction ou un paradoxe près. Lui, qui aurait pu être moins bon que Pelé, et qui a marqué le but le plus mémorable de l'Histoire du Football ... de la main, face aux anglais (inventeurs de ce sport) : « Je m'excuse mille fois auprès d'eux, mais en fait, je referais la même chose mille et une fois. »


Lui, qui a grandi dans un quartier privé ... de nourriture, d'eau et d'électricité, appartient à un autre football, à une autre époque, à un autre monde que les starlettes aseptisées et bodybuildées qui foulent les pelouses aujourd'hui et qui, lorsqu'elles marquent, se précipitent vers la caméra pour nous vendre leur shampooing, leur dentifrice ou leur caleçon.


Son but d'anthologie aurait aujourd'hui été annulé par la « goal line technology » ou le « replay », ce qui lui aurait, à coup sûr, fermé la voie vers son second but d'anthologie, fait de dribbles chaloupés, marqué dans le même match.


Il fait partie de ces footballeurs racés, comme George Best ou Sócrates, qui sont les uniques représentants de leur propre espèce.


Dieu va enfin pouvoir toucher la main de Maradona.




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